La pharmacie ou à l'époque l'apothicairerie et ses apothicaires sont liés aux besoins des troupes et aux hôpitaux qui leurs sont dédiés.
Les apothicaires ne sont rentrés dans les rangs des armées de l'ancien régime qu'après les chirurgiens et les médecins dont les activités étaient d'une urgence immédiate sur les champs de batailles ou ultérieurement auprès des blessés et des malades.
On fit appel à eux comme fournisseurs de médicaments puis comme vérificateurs et préparateurs de ces médicaments. Cimistes et botanistes leur présence devint indispensable dans les hôpitaux sédentaires ou "ambulatoires" et même dans les troupes de la cour, unités ou corps privilégis.
Les débuts des hôpitaux et des apothicaires dans les armées (M. Bouvet)
Un quartier est attribué aux militaires à l'hopital de Lille dès le XVème siècle. En 1597 l'Hotel Dieu d'Amiens abrite les soldats blessés ou malades. A Paris, l'hôpital de la Charité chrétienne aufaubourg Saint Marcel fondé par l'apothicaire Nicolas Houël en 1579 est affecté par Henri IV par édits (1697, 1600 et 1605) aux "pauvres gentilshommes, officiers et soldats estropiés, vieux et caducs". Au début du XVI ème siècle, Henri II de Navarre engage à titre temporaire un apothicaire pour les besoins de ses troupes.
Mais l'histoire hospitalière militaire durant les guerres semble débuter en 1550 selon Bouvet avec l'ordonnance de Blois (?) qui prévoit l'organisation d'un "hôpital ambulatoire". Puis en 1552, le duc François de Guise fait installer deux hôpitaux militaires dans Metz assiégés par Charles Quint. A la demande du Duc, le roi Henri II envoie son premier chirurgien qui parvient à entrer dans Metz avec des fourgons à pansements. La prise en charge efficace des blessés qui auparavant décédaient, sera saluée par la population et les militaires. Le Duc de Guise se montra humain à l'égard des blessés laissés par Charles Quint après qu'il ait levé le siège car ils ordonna de les prendre en charge.
Une ordonnance du 15 décembre 1591 réglemente le budget thérapeutique militaire et en 1597 lorsque Henri IV assiège Amiens aux mains des Espagnols il pourvoit à "la maison des blessez" qui possède un apothicaire à demeure et les drogues sont cataloguées par le premier médecin du roi, Jean Ribit sieur de la Rivière chargé de la surveillance de la dite maison. Sully en loua le fonctionnement : celui-ci fut copié à l'hopital lors du siège de Sedan en 1606 alors que c'est l'archiâtre André du Laurens qui contrôle l'approvisionnement en médicaments (archiatre : premier médecin du roi ayant autorité sur les officiers de santé aux ordres du roi).
Cas similaire au siège de Soisson en 1617 où les médecins, chirurgiens et apothicaire ainsi que le matériel sont sous l'autorité du premier médecin du roi Louis XIII, Jean Héroard. En 1621, la même organisation est mis en place lors des sièges de Saint-Jean-D'Angely, Clairac et Montauban.
Richelieu poursuivra sur le même principe et promulgue en janvier 1629 une ordonnance relative au "hôpitaux entretenus à la suite des armées" ce qui va être mis en place rapidement en 1631 au siège de Pignerol (dont le fort connaîtra sous Louis XIV quelques pensionnaires célèbres tels Fouquet et le masque de fer).
Pour en finir avec l'approvisionnement aléatoire des hôpitaux des armées, le principe de l'entreprise est adopté à la fin du XVII ème siècle. C'est ainsi que le 6 juin 1685 Gilles de Verly chirurgien juré parisien (apothicaire major des armées du roi selon Bouvet ?) soumissionne pour la fourniture des médicaments, topiques, linge, charpie et appareils orthopédiques aux hôpitaux militaires du ressort de l'intendance des Flandres. Il s'engage également à mettre à disposition pour chaque hôpital un garçon apothicaire par lui soldé, à la disposition du médecin. Ce garçon était aussi chargé de surveiller l'apothicairerie et de signaler les abus au commissaire des guerres et au médecin inspecteur.
Le règlement du 20 décembre 1718 sur les hôpitaux militaires confirme l'autorité du médecin-major et les devoirs des apothicaires.
En 1719 leurs traitements et leur rations sont fixées.
En 1747, une ordonnance royale tente de mettre fin aux compérage et aux collusions dans les hôpitaux militaires en commissionnant et payant directement par le roi les chirurgiens et les apothicaires. Le tout sous le contrôle du médecin-major pour la partie médicale et du commissaire des guerres et de l'intendant pour la partie administrative. Un jardin médicinal devra être créé dans les lieux choisis par l'intendant et surveillé par le médecin et le chirurgien-majors. Un demi-siècle après, c'est la fin du principe des entrepreneurs à l'origine de beaucoup d'abus.
En 1747 pour remplacer les recueils manuscrits de formules un formulaire imprimé est publié par ordre du roi. D'autres vont se succéder jusqu'à ceux de Parmentier paru en 1804 qui seront la base des médicaments et de leur préparation galénique. Parmentier ayant éliminé les principes dit "actifs" les plus folkloriques voir dangereux des formulaires précédent pour ne conserver que ceux qu'il considérait comme réellement efficace.
Mais le recrutement des garçons apothiciares devient si difficile qu'en 1758 le ministre de la guerre est obligé dans réquisitionner six dans les apothicairerie civiles.
La saleté, l'insalubrité et les pénuries de toutes sortes perduraient dans les hôpitaux militaires ce qui conduit le comte de Clermont (Louis de Bourbon-Condé prince de sang) à se plaindre de cette situation, mais en vain. Ce n'est qu'en 1766 que le roi Louis XVI nomme Pierre Bayen apothicaire-major des camps et armées et constitue le 4 août 1772 une commission de santé permanente.
Le 22 décembre 1775 est créé dans les hôpitaux de Strasbourg, Metz et Lille des amphithéâtres de médecine, chirurgie et pharmacie. Les cours étaient dispensés par l'apothicaire-major et comportaient entre autres, l'étude des plantes usuelles et des "opérations chimiques et galéniques".
L'ordonnance du 26 février 1777 réserve aux élèves sortis de ces écoles quelques privilèges dans leur avancement. L'apothicaire-major des camps et armées du roi est chargé d'analyser les médicaments fournis par les fournisseurs, les abus allant croissants.
Bibliographie
M. Bouvet repris par Paul Delaunay. M. Bouvet. Les apothicaires des hôpitaux des camps et armées. Archives de Médecine et de Pharmacie 1931; XCIV, n°3 mars.
Jean-Paul Gilli. Thèse "la pharmacie militaire sous la révolution et l'empire". Université de Paris 3. Novembre 1959.
Jean Pierre Gama. Esquisse historique du service de santé militaire en général et du service des hôpitaux en particulier. Paris 1841.
Louis Irissou . Compte rendu du Médecin-Général Les Cilleuls in Revue historique de l'Armée 1951. Les apothiciares aux armées de l'ancien régime. Revue histoire de la Pharmacie. 1953, 138, 108-109.